CHAPITRE B – L'OCCUPATION  DU  SOL – UN CADRE  DE  VIE.

 


Faire face aux difficultés de la vie de montagnard, voilà l'objectif des Avancherains,  durant les deux cent cinquante ans, ou presque, de notre étude

 

Pendant une première période, de 1738 à 1922, on peut observer que les habitants reconduisent pour ainsi dire implicitement, un certain équilibre millénaire. Durant ces deux siècles, où presque, ils ne peuvent pas s'extraire, dans leur isolement, des « tyrannies du relief, de l'altitude et du climat » (1), avec l'étagement végétal d'où  la dispersion des espaces exploitables. Sur cette page les deux premières vues ci-dessous, illustrent une partie de leur cadre de vie..

 

En haut, nous découvrons le versant de la vallée du Morel, face au soleil couchant, en hiver, donc sous la neige. Le sommet des crêtes de Crève-Tête y culmine à

2 341 mètres. L'étagement de la végétation est très net. Deux habitats se détachent, groupés en village, à  gauche avec La Charmette, à droite avec Le Pré. Ils occupent des zones à l'abri des couloirs d'avalanches.

 

Sur la deuxième vue, nous sommes en été, toujours sur le côté de la vallée qui regarde le soleil couchant, dans la partie de la commune proche de son altitude la plus basse, soit 650 mètres environ. L'étage cultivé autour des deux villages du Fey, touche la forêt d'épicéas. Cet espace est caractérisé par une dispersion des champs  et par un morcellement extrême en petites parcelles.

 

Les soixante années, de 1923 à 1983 constituent la seconde période. Apparaissent d'abord,  par "dose homéopathique", les gros chalets des Centres de Vacances à la Montagne, puis, massivement d'autres

installations de loisirs, avec la station de Valmorel, constructions étrangères au milieu agropastoral (2) .

 

On voit même, dans les années 1960 commencer l'édification d'un lotissement proche du village de La Char-mette. Avec cette cinquantaine de chalets  apparaît une nouvelle forme de répartition de l'habitat. La vue ci-dessous a été prise en 1996. Elle montre bien la différence frappante entre le village du Crey au premier plan où les bâtiments sont groupés et ceux, dispersés, du lotissement. Pour certains, le paysage est " mité " par ces chalets. 

 

Dans la suite de ce chapitre, il sera question de l'activité de nos ancêtres pendant la première période, celle de la forte tyrannie de l'environnement.

 

Crèce-Tête

     ... versant face au soleil couchant....Crève-Tête...

 

Le fey

 

    .. l'étage cultivé....petites parcelles.

 


... le paysage  est" mité".

 

(1)ONDE ( H.), L'homme et la nature intra-alpine.

(2)ASPORD ( R.), 2003, Pages 44 à 48.

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Zone de Texte: B.1. NOS  ANCÊTRES  MONTAGNARDS  AUX  PRISES  AVEC  LE  RELIEF,
AVEC  L'ALTITUDE,  AVEC  LE  CLIMAT.

Sur trois côtés, une couronne de sommets, points hauts de son relief, constitue la limite administrative de la commune des Avanchers. Les lits des torrents, dont celui du Morel, composent principalement ses creux, ses points bas.

Les illustrations de droite sur cette page 11, complètent celles de gauche sur la page 10. Elles montrent d'autres aspects du cadre de vie ancestral

 

En haut nous voyons le versant de la vallée exposé au soleil levant. Dominé par le Montagne de Tête à 1806 mètres, sur la gauche. Il y a donc Crève-Tête en face. Le sillon du Morel, traverse obliquement l'illustration. Il sépare d'un côté le chef-lieu au premier plan et de l'autre, deux villages que l'on décèle: d'abord Le Meiller et situé plus haut Quarante-Planes. Seuls les lointains sont enneigés sur la Chaîne de la Lauzière.

 

Au milieu, la carte postale montre dans sa partie supérieure, une succession de deux crêtes. La première, la montagne du Gollet, aux formes arrondies prolonge celle de Crève-Tête. La seconde, au contraire très découpée, la domine avec en son sommet la Pointe du Grand Niélard. De plus, sur cette image, dans sa partie gauche, un profil humain se dessine. Suivant l'inspiration on lui voit celui d'un vieillard, du roi Henri IV ou du Christ. Pour ce dernier, son front porterait la couronne d'épines formée par le sommet de 2544 mètres.

 

La troisième carte postale dessine, pour l'étage cultivé, sa pente habituelle. On la voit, ici matérialisée par la bande sombre de feuillus, traçant une diagonale de droite à gauche. Cette pente avoisine trente pour cent (3).

 

Les six photographies de ces deux pages, donnent une petite idée, du relief et des altitudes de la commune. Il faut toutefois, pour faire un retour arrière, avant 1923, effacer fictivement le Centre de Vacances à la Montagne au Planchamp et le lotissement à la Charmette.

 

Nos montagnards évoluent dans ce cadre de vie mais n'abordent pas les altitudes au delà des alpages. Ces blocs de pierre sont sources d'éboulements.

Ils se coltinent « avec la douloureuse recherche de l'indispensable. [ En particulier ils subissent la pente ], les difficultés des transports, la peine de remonter ( charrier) la terre des champs avant le labour, l'obligation de porter en montant ou,

c'était aussi pénible, en descendant, les foins ( la glisse), les fromages...»(4).


 versant  au  soleil  levant

Gollet Niélard

   ...Gollet...Niélard...profil du Christ

 

Village du Fey
  pente aux confins des villages du Fey 

 

(3)  en haut sur la carte postale, « La Sauge » est 530 m. plus haut et à 800 m. de distance horizontale du point le plus bas de la commune. Ceci donne à partir d'un tableau Internet, trente %.

Celle du Mont Ventoux, forte pour une route, est à treize %.

(4)CHAVOUTIER ( L.), 1991, Cahiers du Vieux Conflans, Page50.

 

 

 

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Zone de Texte: B.2. NOS  ANCÊTRES  MONTAGNARDS  AUX  PRISES,  AVEC  L'EAU,
AVEC  LA NEIGE, AVEC  LE FEU.

La Tarentaise, appartient à une zone de pluviométrie élevée, propre aux Alpes du Nord. Cette situation engendre un régime nivo-glaciaire actif, produisant de l'eau, tantôt par des pluies avec un maximum en automne, tantôt par des neiges et glaces, avec un maximum au printemps.

Quant au feu, le feu ravageur, cet opposé de l'eau, il est provoqué soit par un orage soit par une erreur humaine. Il engendre une catastrophe face à laquelle, il faut impérativement lutter.

 

B.2.1. Aux prises avec l'eau.

 

En année normale, les abondantes précipitations de pluies, alimentent par ruissellement les végétations de surface et par infiltration des réserves souterraines. Quand il y a orage, souvent l'eau déversée, transforme les chemins et ruisseaux en torrents. Les débits du Morel et de ses affluents augmentent en conséquence rendant leurs franchissement périlleux comme par exemple au Moulin ( û Mlin ) sous Sfontaine.

Au printemps, au moment de la fonte de la neige et de la glace, l'eau ruisselle de partout.

Certaines sources, alimentées par des réserves souterraines, sont captées pour répondre aux besoins proches ou éloignés. La série d'abreuvoir en bois, de nos cousins de Cellier, sur l'image ci-dessous, montre une réponse au premier cas. Pour les besoins éloignés, la commune a la responsabilité des réservoirs et des réseaux de collecte et de distribution. En 1849, nous voyons le Conseil municipal fournir du bois pour façonner des chenaux ( Cf. infra § E.1.5.2.).

A la distribution, l'eau s'écoule en permanence par l'orifice du tuyau de sortie ; c'est là que l'on prélève avec un seau, l'eau domestique. Y est installé, pour les animaux, un abreuvoir souvent en pierre ( lou batsé ) L'eau est stockée, à l'intérieur de la maison dans un ou plusieurs sceaux en cuivre émaillé ( lou sizlin ). Ils sont placés sur un banc ( l'arts ban ) pas très loin de la cheminée. On y puise avec une grosse louche, également en cuivre émaillé ( na pôts ), à demeure dans son seau.

 

Progressivement, au siècle dernier, sortant de l'impécuniosité, les villageois feront brancher des conduits pour amener l'aqua simplex dans les habitations.

 

Au XIXè siècle , l'eau de quelques torrents ( lou nants) est transformée en énergie pour des moulins et des scieries ( Cf. infra § E.4.3.).

En remontant encore plus loin dans le temps, nous avons entendu certains anciens, évoquer l'existence d'un canal, sur les hauteurs de la montagne de Tête,

« la Biolène » . Il aurait servi à irriguer des prairies sur ce versant.

 

 

abreuvoir en bois

     Abreuvoirs en bois, dans un alpage.

 

 

Abreuvoir en pierre Chef-lieu les Avanchers

      Abreuvoir en pierre au Chef-lieu.

 

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B.2.2. Aux prises avec la neige.

 

Avant d'être la source d'une économie de loisirs (5),   dans les deux cent quarante années couvertes par nos recherches, la neige a une image négative chez nos ancêtres. Elle est associée au froid de l'hiver, aux longues nuits ; elle encombre les chemins, devient glace, cause d'accidents, surcharge les bâtiments,  produit les avalanches. Pour concrétiser ces réactions , nous rapportons ici, trois délibérations communale (6).

La première, en 1777, obtient l'interdiction d'abatages dans certaines forêts afin d'assurer la protection de villages exposés aux avalanches(7) La seconde, dans un style ramassé dit : «L'an 1852 et le 25 du mois d'avril. [ Objet] Subsides pour les écoles élémentaires. Commune de 865 âmes, divisée en 13 "bourgades", soit villages éloignés les uns des autres d'environ 6 km., ensevelis sous la neige l'hiver pendant 6 mois. Dans 11 villages il y a des écoles élémentaires, 2 en sont dépourvus. Une partie du traitement du maître et de la maîtresse, est payée par la Congrégation du lieu (8). La troisième évoque : « L'énorme quantité de neige, [qui ] tombée dans l'hiver 1905-1906 a écrasé une toiture sise au chef-lieu appartenant à Mme Bouvier Julie et Murat Virginie Vve Bouvier.

[ Même chose, pour ] la toiture de M. Vorger Maurice, hameau de la Grange ». Suit, une demande urgente de bois gratuit, pour réparer ( Cf. infra § E.3.2.1.).

Nous voila loin, de la féerie du manteau blanc.

 

B.2.3. Aux prises avec le feu.

 

Le feu d'origine humaine a fait l'objet de mesures de prévention. Nous en avons cité deux, prises en 1829, par le conseil municipal ( C.M.) : ramonage de toutes les cheminées de la commune et contrôle de l'éloignement, du stockage du fourrage, de ces cheminées (9).

Des incendies ont touché nos grands parents au siècle dernier. Le 23 août 1925, l'un détruit une grange de notre grand père paternel à Cornet. Dans les premières années quarante, au village du Fey-dessus, un ensemble de granges à « Vla Djui » flambe après avoir été touché par la foudre. L'une d'elles appartenait à notre grand mère maternelle.

Pour lutter contre le feu, une compagnie de sapeurs-pompiers, formée uniquement de bénévoles, est constituée, avec structure hiérarchique et équipements (voir ci-dessous le croquis d'une de ses pompes à bras).

Pour aider les sinistrés du feu, dans d'autres villages de Tarentaise, une solidarité s'exerce. Nous avons relevé, de 1863 à 1911, sur les registres du C.M. huit versements, passés entre communes, pour dix francs au minimum et trente francs au maximum.

 


 La neige...encombre les chemins ; ici dans une ruelle en forte pente ( na tsarirè) (10)

 

Pompe à bras
  Pompe à bras ( fin XIX è – début XX è siècle ).

(5)ASPORD ( R..), 2003, page 44 à 48.

(6)ADS, ACA, 190 E dépôts, respectivement 29, 47, 53.

(7)p.cit., Annexe page 65 à 69.

(8)Il s'agit de la Congrégation de charité, active pendant la  " Restauration sarde" ( 1815 à 1860).

(9)op.cit., page 27.

(10)CHAVOUTIER ( L.), 1995, page 54. 

 

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