E.2.2.2.
L'été sur l'alpage.
L'été,
en troupeau sur l'alpage, les bovins sont en pleine nature jour et nuit et
changent de pâturage tous les jours. Nous avons suivi
précédemment cette forme d'exploitation des montagnes en commun
(17). Les Archives Départementales de Savoie donnent accès,
depuis peu, à des documents intéressant ces cents jours sur l'alpe avancheraine.
Nous voyons ainsi que l'exploitation de ces montagnes a pris deux formes :
-soit
la gestion directe, -soit l'affermage.
Pour
la première, la gestion directe sous l'autorité du maire,
nous avons relevé un exemple du travail des procureurs, ces responsables
déjà rencontrés à la page 40. On les voit,
comptables de la bonne participation des propriétaires des bovins,
à la vie collective de
Pour
l'affermage nous trouvons
Sa demande a été faite le
20 mai 1855. Le 26 août il fait un autre recours qui est accepté
après de nombreuses mises en adjudication.»
E.2.2.3. En automne et au
printemps, à l'étable et sur les pâturages proches.
Ces
deux périodes se placent, la première avant l'enfermement
hivernal des vaches, leur stabulation et la seconde avant leur vie dans les
grands espaces de la pelouse alpine. Elles pâturent alors sur des
parcelles proches soit de l'habitat principal soit de l'habitat de la
montagnette. Les contacts berger-bêtes sont, dans ces semaines,
rythmés par les déplacements quotidiens. Pour leur
identification, chaque vache porte un nom. Il peut être en lien avec une
de ses caractéristique : blanche, polissonne (
tokson ), ou avec une coutume familiale, turenne, condé,
marquise. Une certaine forme d'attachement marque le berger vis à vis de
la bête, sentiment mis à l'épreuve, quand l'accompagnateur
de la bête à la foire, remet au berger, le collier et la cloche de
l'animal vendu à Moutiers.
Tableau I
Comptabilité
des corvées non faites (19)
*
En résumé : au
crédit de ce compte 85
francs
au débit de ce compte 78,20 fr
reste pour la commune 6,80 fr
Tableau
II
Nous sommes en
fin de saison estivale.
Les Procureurs, où Mandataires,
font, ici, la
paye d'un " montagnard".
(17)
ASPORD, ( R.), 2003, pages 48 à 55.
(18)
ADS / ACA / 190 E dépôt 108.
(19)
ADS / ACA / 190 E dépôt 64.
-42-
E.3. LES AVANCHERAINS, PROCHES DES FORÊTS et
des TAILLIS.
Forêts
et taillis sont toujours proches des habitats, des prés de fauche et des
alpages. On l'a constaté sur les illustrations du cadre de vie de nos
ancêtres montagnards ( Cf. Supra pages 10, 11 et 14 ).
Conditionnées
par l'altitude, les essences sont diverses. On rencontre des feuillus :
hêtres, frêne, érable, bouleau ; des résineux :
épicéa, sapin, mélèze, et l'arbuste envahissant,
l'aulne vert (arcosse ) jusqu'a
Certains hameaux conservent la trace toponymique de
sites de peuplements particuliers, comme les Fey, pour les hêtres (20) et
Quarante Planes pour les érables.
Les
proximités entre les habitant et la forêt, autrement dit entre les
besoins et les sources, font que, avec l'acquis des générations,
les hommes savent travailler en forêt et utiliser les outils de
bûcheron.
Ils
sont très attachés à ces sources et sur certaines limites
boisées du Quartier de
E.3.1. La forêt.
La
forêt avancheraine a été une ressource pour chacun mais
limitée, on va la voir en régression.
Elle
était, avec les alpages et les fonds communs la propriété
indivise des communiers.
Progressivement,
à partir de 1738, elle passe dans le domaine de la commune, rouage
essentiel de l'administration de l'Intendance de Tarentaise (21) Nous avons
examiné précédemment (22) les mesures prises en 1777-1778 pour
protéger les villages des avalanches, tout en assurant les besoins en
bois de "bâtisse" et d'affouage. C'était un cas concret
d'application conjointe des responsabilités de
Globalement,
il est bien difficile d'apprécier les résultats de ces
décisions. Pour certains, depuis 1730 jusqu'au début du
XXè siècle, la forêt avancheraine serait passée de
Extrait d'une carte
des Savoie ( début XXe siècle) (24)
A
partir de 1860 avec la réunion de
Avec
Des
traces de cette politique apparaissent sur des documents conservés aux
ADS (26). Pour reboiser on trouve :
▪
le 17 déc. 1893, des ventes par la commune, de six parcelles au Sce du
Reboisement ( 8ha 42a 9ca )
▪
le 23 juin 1894, pour cause d'utilité publique, une expropriation
prononcée à Moutiers,
▪
le 10fev. 1896, un plan délimite des terrains acquis par l'État,
document signé à Annecy par l'Inspecteur des forêts, Chef
du Sce Reboisement.
A
l'opposé, en 1880, un haut fonctionnaire de
(20)
Variante de" FAY ", dérivé du latin "Fagus",
pour "Hêtre".
(21)
Le 15 septembre 1738,Charles-Emmanuel III, modifie la composition et les
prérogatives des conseils des communes.
(22)
ASPORD, ( R.), 2003, pages 15 à 17 et Annexe p 65 à.72.
(23)
CHABERT, ( L.) et CHAVOUTIER, ( L.), 1979, p.36.
(24)
GUGLIELMONE, ( P.), 2003, Annexe entre pages 48 et 49.
(25)
GUGLIELMONE, ( P.), op. cit. pages
6 et 7.
(26)
ADS / ACA / 190 E dépôt 112.
(27) ASPORD.( R.), 2003, pages 34 et 35.
.
-43-
E.3.2. Le bois.
Le
bois est très présent
dans la vie des avancherains, que ce soit l'habitat, le mobilier, les
outils. Les conseillers municipaux, responsables des biens communaux vont
devoir répondre aux besoins de chacun que ce soit pour :
▪
le bois d'œuvre dit aussi de construction, de service, de bâtisse,
▪
le bois de chauffe dit aussi de feu.
Les
branches en fascines pour servir de fourrage sont prélevées sur
les bosquets des particuliers.
E.3.2.1.
Obtenir le bois d'œuvre.
Des
délibérations du Conseil de commune, nous fournissent quatre exemples
intéressants. Avec les deux premiers nous somme avant 1868, dans la
période dite Sarde.
▪
« Le 10 mai 1849, ce conseil
réunit le syndic, sieur Muraz Henry et deux conseillers, sieur Rellier
Jean-Jacques et Perret Philibert. Le conseil décide la coupe gratis de
trois plantes 1ère classe pour les bassins de Cornet, du
Chef-lieu, de
▪«
Le 3 may 1851 délibération [81] pour coupes de bois pris dans
forêt communale pour besoins communaux et autres :
4 chevrons
pour la chapelle du Pré, 1 plante pour un bachal à Quétar,
1 plante pour hangar au presbytère » (28)
Les
deux exemples suivants se placent après 1860 :
▪
« Le 9 fév. 1879,
délibération pour " bois de service".
Demande de bois de construction par 10
habitants pour des réparations. Le conseil sollicite l'administration
forestière à charge pour les concessionnaires de payer entre les
mains du receveur municipal le prix tel qu'il sera fixé par
l'autorité compétente. » (29)
▪
« Le 20 mai , session de 1906 du
Conseil municipal :
Demande de bois d'urgence plus que
jamais justifiée et en regard au malheur qui les frappe, toiture
écrasée suite à énorme quantité de neige
tombée, est d'avis de leur venir en aide dans la plus grande mesure
possible. Pour ces motifs est d'avis à l'unanimité :
1°/de leur accorder les
quantités et qualités de bois énoncées dans leur
devis joint soit 27 m399 et
2°/de prier l'administration
forestière de vouloir bien accorder à MMmes Bouvier Julie et
Murat Virginie les 2/3 des bois qui leur sont nécessaire à titre
purement gratuit.
3°/à Mr Vorger Maurice la
moitié à titre gratuit, l'autre moitié à 8 fr le m3
». (30)
Avec
ces quatre exemples, on observe bien le changement. Avant 1860, le conseil
décide, après il est solliciteur auprès de "
l'autorité compétente".
A
noter de plus que, la commune doit verser aux
"finances
nationales", une part de ses ventes de bois, pour les frais de
Régie, soit le vingtième.
E.3.2.2.
Le bois de chauffe.
Très
souvent, l'épicéa fournit le bois de chauffe. Les hommes savent l'abattre et
l'ébrancher. Ils savent aussi scier et fendre pour obtenir des quartiers
( lou étalè ) de longueur convenable
pour être empilées et stockées en couches alternées
[ na tsà-y(a) ]. Ile peuvent aussi,
façonner des billes qui se-ont tirées par un mulet. Ils fichent
alors, le moment venu, pour le débardage, à
l'extrémité de la bille, un coin particulier ( na lindyéla ), portant un anneau pour y passer
le crochet de l'attelage.
Chaque famille possède sa panoplie d'outils de
bûcheron : les scies ( lè
réchè ), les haches (lè
tson), le passe-partout ( la lëva ),
les coins ( lou kwin ) pour fendre les quartiers
de bois.
Afin de les débiter en morceaux pour le
fourneau, s'y ajoute le chevalet ( on tsavalè
) pour scier et un morceau de bois
dur ( on plö ) pour fendre avec un merlin.
Les cônes
de l'épicéa sont pendants
sur des rameaux flexibles
E.3.2.3. Obtenir son bois d'affouage
A l'origine, l'affouage était, pour les
"communiers", le droit de pratiquer certaines coupes de bois sur des
forêts de la communauté. Le partage entre eux, s'appuyait sur un
principe de répartition fixé par le conseil, soit par foyer soit
par tête.
Pour Lucien Chavoutier, l'historien local cité
précédemment, « il ne
s'agit pas d'un cadeau mais la rémunération en nature du travail
collectif d'entretien du patrimoine forestier.» (31).
Aux Archives Départementales de Savoie, pour la
gestion des biens communaux après 1860, existent des documents
comportant des tableaux des numéros d'ordre des affouagistes, avec les
nombres de têtes et les sommes à payer (32).
Il serait peut être intéressant de les
analyser. Nous n'avons pas été à même de le faire.
(28)
ADS / ACA / 190 E dépôt 47.
(29)
ADS / ACA / 190 E. dépôt 51.
(30) ADS / ACA / 190 E dépôt 53
(31) CHAVOUTIER, ( L.), 1995, p. 54..
(32)
ADS / ACA / 190 E dépôt 112.
-44-
E.3.2.4. Défricher les aulnes verts
Les aulnes verts ou arcosses ( orkos ) poussent jusqu'a
E.3.2.5. Obtenir du fourrage avec des feuilles.
Après fenaison et moisson, on va " faire
la feuille" [ fér la fô-y(a)
]. Il s'agit de constituer des fascines de branches de frêne ou de plane.
Elles sont coupées avec la serpe ( on gwé
) à la fin de l'été, avant qu'elles ne jaunissent. Elles
seront stockées dans une grange pour l'alimentation des chèvres.
Le frêne est un arbre destiné à voir ses branches
régulièrement coupées. C'est avec l'une d'entre ces
branches, pas trop grosse, qu'en la torsadant, on formera le lien ( na ryout ) tenant ces fagots.
E.3.2.6.
Présence du bois dans la vie.
Depuis le début de ce cahier, nous avons
souvent rencontré le bois, à commencer avec les abreuvoirs dans
un alpage ( Cf. Supra. p.12 ). Certains Avancherains, à la suite d'un
apprentissage familial ou par don personnel, se manifestent menuisiers.
Sollicités par leurs compatriotes ils répondent à leurs
besoins car le bois est partout :
dans l'habitat (grange, grenier, porte, fenêtre,
plancher ), dans le mobilier ( table, banc, chaise, buffet, vaisselier,
armoire, pétrin, lit, berceau), dans les outils ( traîneau, luge,
brouette, civière, échelle, baratte, seau, tonneau, fourche
à trois dents, ruche, manches divers, moule à beurre,
échalas pour la vigne). Nous achèverons cette énumération
sommaire, avec le singulier banc d'âne, ci dessous (34).
Curieux par sa forme, sa fonction est de tenir
fermement la pièce sur laquelle on travaille.
La serpe
Le banc
d'âne, un appareil curieux. Il est doté d'un pédalier
porté par une
pièce courbe servant de
mâchoire.
En action sur
le banc d'âne. La machoire bloque, sur le banc, le morceau de bois,
quand les deux
pieds poussent sur le pédalier.
(33)
ADS / ACA / 190 E. dépôt 64.
(34) Nous avons, dans les années 1930,
manœuvré un appareil, de ce genre, en dépôt chez les Compagnon,
au Fey, aux Granges Daigue.
-45-
E.4. DES TRAVAUX avec l'aide
d'ANIMAUX.
Nous constatons que, depuis le XVIè
siècle, nos ancêtres montagnards, utilisent des animaux pour les
aider dans leurs travaux. En faisant une incursion hors de nôtre période
de recherche, nous découvrons un changement. Sur une longue
période, quatre cents ans, ces animaux ne sont plus les même. Nous
plaçons à l'appui de cette remarque trois constats en 1561, en
1741 et en 1890. Nous voyons que les bœufs tirant ont été remplacés
par les mulets.
E.4.1. Des bœufs tirant.
En 1561, le
dénombrement des feux de
En
1741 un fait divers, rapporté
en partie ci-dessous, oppose devant le juge, le curé des Avanchers, le
Rd. Hyacinthe Ancenay et un paroissien Joseph Guillet. On apprend l'origine de
cette action en justice (36). Une paire
de bœufs a traîné de grosses pierres sur le
blé du Révérend. A cette date, des bœufs
"travail-laient" donc encore.
En 1890, sur le tableau statistique daté 1891,
(Cf. infra. p.39 ), il n'y a plus aucun
bœuf.
E.4.2.
Des mulets.
Avant l'introduction des appareils à moteur
adaptés aux pentes, les mulets étaient recherchés dans les
régions montagneuses, à cause de leur force, de leur adresse, de
leur résistance et de leur sobriété. Ils
s'avéraient indispensables quand il fallait tirer une charrue, ou une charge
sur une charrette ( na trènela
). Pour le portage, on place un bât sur son dos, servant
d'intermédiaire pour y accrocher la charge ( Cf. Supra. p.35, la besace
double ). Le mulet ainsi équipé, peut se glisser dans des
passages étroits et accidentés. En 1561, aucun mulet dans le dénombrement ; en 1890, ils sont 54.
Une partie des mulets intéressent
l'armée qui pro-cède à des recensements. Ainsi de 1876
à 1895, plus d'une dizaine serait requise en cas de mobilisation (37).
Un mulet [ pour ] tirer une charge sur une
charrette, qui a deux roues à l'arrière et des patins à
l'avant;
elle est bien
adaptée aux pentes.
[ Sur le mulet ] on place un bât.
(35) ADS,«
Dénombrement et description des manants, habitants et bestial par eux
possédé » SA 1585- 2923 pour l'original. Série J 1028
pour la traduction par Nicole MACIACCHINI, folio 403V page 36.
(36) ADS / ACA / 190 E dépôt 33.
(37) ADS / ACA / 190 E dépôt 87.
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